jeudi 12 février 2009

Ma violence

La violence est là, tapie dans son antre: ma violence.

J'avais 16 ans à peine, ma mère venait de partir pour l'asile psychiatrique - une autre cure de désintoxication. Les vitres de la maison que j'avais brisées étaient réparées. Je jetais des chaises, des couteaux, à droite et à gauche, puis j'ai dit non.

Les chaises sont restées à leur place, les couteaux rangées. Ma violence s'est enroulée sur elle-même pour se cacher dans un coin sombre de mon âme. Elle est restée là, glaciale, à me regarder, à me haïr. J'ai avancé dans mes études, premier de la classe, le beau ténébreux, surnommé Jésus-Christ du lycée à la fac, mais le souffle glacial de cette violence cachée se faisait encore sentir dans mon dos, me glaçant la nuque, les pensées. J'ai philosophé, enivré de mots, mais le coeur toujours au froid.

Je me suis habitué à cette présence, à ce léger regard râilleur qui me suivait. J'ai essayé de fuir son feu en vidant toutes les bouteilles qui me passaient sous la main : vin, bière, whisky, cognac. Une bouteille entière de rhum vidée en 5 minutes. J'ai essayé de noyer ma violence dans la Loire. Je me suis sali en permettant que d'autres usent de mon corps, et cette haine en moi n'a fait que grandir.

Puis mes enfants sont venus, et avec eux la charge d'une autre vie, la responsabilité. Trois enfants, comme trois soleils perçant les recoins sombres de mon coeur, ce coeur qui criait en se réchauffant. Ce fut la crise: au fur et à mesure que mes enfants me bousculaient, ma violence reprenait vie. Pendant un temps, j'ai failli me laisser aller à donner quelques gifles, comme j'en ai tant reçu moi-même, mais j'ai vite cessé.

Mais désormais, ma violence revient dans toute sa force. Je ne peux plus voir mon visage dans les vitrines d'un magasin, au détour d'une rue. Je ne peux plus entendre ma voix enregistrée.

Un jour, je mourrai de cette violence. Un jour, je ne pourrai plus repousser l’échéance. Ma haine demandera son dû, et il faudra payer. J’aurais vécu. Voilà.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire